Asie

Parce qu’elle inspire le calme et la sérénité, l’Asie est une destination que beaucoup de voyageurs privilégient. Si la Chine, le Japon et l’Inde se révèlent être des écrins de nature et de culture incomparables, il ne faut pas oublier de visiter leurs voisins, plus discrets mais non moins séduisants, tels que le Népal, le Laos ou encore la Birmanie.

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Corée du Sud
Arirang, le son de la Corée
Corée du Sud Le palais de Gyeongbok-gung Séoul Arirang
Le palais de Gyeongbok-gung, à Séoul © L. Luengo

Arirang, le son de la Corée

Par Flavie Thouvenin

Chant traditionnel plusieurs fois centenaire, Arirang est un monument du folklore coréen, connu dans tout la péninsule comme hors de ses frontières. Rien d’étonnant alors à que ce symbole national soit inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco – par deux fois – : en 2012 pour la République de Corée, au sud, et en 2014 pour la République populaire démocratique de Corée, au nord ! Au restaurant, à bord des bus et des taxis, dans les émissions populaires à la télévision, aux abords des stades : Arirang fait résonner sa mélodie aux quatre coins du Pays du matin calme…

Aux origines : itinéraire d’un emblème national

En réalité, Arirang n’est pas une seule chanson, mais un vers et une mélodie commune dont le reste des paroles se sont déclinées au gré des régions et au fil de l’histoire… On dénombre ainsi aujourd’hui pas moins de 60 versions différentes d’Arirang, comptant elles-mêmes près de 3600 variations ! La version originelle, quant à elle, viendrait de Jeongseon, dans la province de Gangwon (au nord de la Corée du Sud) et remonterait à plus de 600 ans !

Son origine demeure toutefois un peu floue, les spécialistes se disputant plusieurs hypothèses sur l’étymologie de son titre : certains l’attribuent au col Arirang de la région, d’autres y voient une référence à lady Aryong, femme du premier roi du royaume de Silla, quand d’autres estiment qu’il s’agit de la contraction de deux termes « ari » et « rang » que l’on traduirait en français par « mon bien-aimé »/« mon bel amour »). L’histoire qu’elle raconte fait aussi débat : il pourrait s’agir d’une réécriture d’un mythe de la région de Gangwon racontant les aventures d’une jeune femme inquiète pour son fiancé parti en route pour Séoul, mais rien ne permet d’attester la véracité de cette allégation.

Une mosaïque musicale

Si sa création remonterait donc au XIVe siècle, ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle que la chanson gagna en popularité. Ainsi, selon la légende, Arirang aurait été introduite dans la région de Séoul par des travailleurs de Gangwon recrutés en 1867 pour participer à la reconstruction du palais de Gyeongbokgung, sous la dynastie Joseon. Vraisemblablement, l’exode rural la répandra dans tout le pays, donnant naissance à une multitude de versions régionales.

Ainsi, si Jeongson Arirang est la version première, Bonjo Arirang (également appelé Seoul Arirang), originaire de Séoul et sa province, est aujourd’hui la version la plus populaire en Corée du Sud et à l’étranger (« bonjo » signifiant standard), popularisée en 1926 par le succès du film éponyme Arirang. Gyeonggi Arirang, Jindo Arirang, Miryang Arirang… les versions se multiplient au cours du temps, grâce à une composition simple propice à l’improvisation de nouvelles paroles et à son adaptation à divers genres musicaux. En Corée du Nord, elle n’a pas échappé à la propagande d’État, Kim Il-Sung ayant fait modifier ses paroles en un hymne à la gloire de la nation nord-coréenne et son armée, la renommant Gunmin Arirang (Arirang du peuple)…

L’âme de la Corée

Avec son refrain entêtant (« arirang, arirang, arariyo ») et son air nostalgique, Arirang est devenu un symbole fort de l’identité nationale coréenne, au nord comme au sud. De nombreuses variations ont notamment vu le jour sous l’occupation japonaise, en faisant un chant de résistance patriotique face à l’impérialisme nippon. De nos jours encore, Arirang, à travers ses innombrables contributions collectives, continue d’évoquer l’histoire des deux Corées et de son peuple. Elle incarne le « han », ce sentiment caractéristique de « l’essence coréenne », entre tristesse et ressentiment, à l’image de la saudade portugaise.

Entonnée lors des matchs par les supporters de l’équipe de football nationale, elle est source d’inspiration dans la musique mais aussi dans le cinéma, la danse, la littérature… Interprétée par nombre d’artistes coréens, elle inspire aujourd’hui jusqu’aux nouvelles générations. Chant traditionnel mais surtout populaire, elle est souvent désignée comme l’hymne non officiel de la Corée et d’aucun dirait que l’écouter, c’est déjà un peu y voyager…

Écoutez Arirang :

  • Dans une version traditionnelle, interprétée par un orchestre et une chorale de jeunes femmes en hanbok, le costume traditionnel coréen :
https://www.youtube.com/watch?v=5xGSngr275c
  • Par l’orchestre philharmonique de New York, lors d’une visite à Pyongyang en Corée du Nord, 2008 :
https://www.youtube.com/watch?v=TGGPWy3UtdU
  • Jeonson Arirang version jazz, chantée par la chanteuse de jazz sud-coréenne Nah Youn-Sun :
https://www.youtube.com/watch?v=MCiMYahClEQ
  • Par la jeune chanteuse IU, très populaire en Corée du Sud :
https://www.youtube.com/watch?v=TPWNLdIiMgY
  • Reprise par le groupe de pop coréenne BTS, aujourd’hui superstars de la scène pop internationale :
https://www.youtube.com/watch?v=0ZOQ6HjHEC0

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Japon
Le Pavillon d’or de Mishima, chef-d’oeuvre de la littérature japonaise

Le Pavillon d’or, Yukio Mishima

Par Flavie Thouvenin

« Il n’existe nulle autre chose au monde qui égale en beauté le pavillon d’Or »

À Kyoto, au fond des jardins du Rokuon-ji, derrière les feuillages des niwaki et des érables rouges, au pied d’un étang aux rives recouvertes de mousse, se dresse l’un des plus beaux trésors du pays du Soleil levant : le Kinkaku-ji, dit le pavillon d’Or, temple zen à la façade recouvert d’or pur, dont l’éclat étincelant ne cesse depuis plusieurs siècles d’éblouir le visiteur, et qui inspira l’une des plus belles œuvres de la littérature japonaise…

couverture livre pavillon d'or yukio mishima
Couverture © Collection Folio (n° 649), Gallimard

Naissance d’une vocation

Aux côtés de Yunasari Kawabata, Junichiro Tanizaki ou Kenzaburo Oe, Yukio Mishima fait partie des plus grands auteurs modernes de la péninsule nippone. Et il est assurément l’un des plus fascinants ! Né le 14 janvier 1925 à Tokyo, de son vrai nom Kimitake Hiraoka, Mishima est un enfant fragile, discret et solitaire, élevé dans ses premières années dans le culte du Japon traditionnel par une grand-mère acariâtre et d’une extrême dureté, puis par un père tout aussi strict, bureaucrate violent, à la discipline militaire, nourrissant pour son fils des ambitions de carrière au sein d’un ministère. Très tôt, pourtant, c’est la vocation d’écrivain qui anime le jeune garçon, d’abord fasciné par le théâtre no et kabuki, par la poésie, puis les plus grands auteurs occidentaux comme nationaux…

Le temps du succès

Après des études à la prestigieuse université de Tokyo pour satisfaire les exigences du paternel, Mishima se consacre à sa passion pour l’écriture, encouragé par sa mère, et sous l’impulsion d’une rencontre avec l’immense Kawabata, qui le pousse à publier. Ainsi, en 1948 paraît son premier roman, Tozoku, bientôt suivi de Confessions d’un masque : salué dès ses débuts, Mishima est propulsé au-devant de la scène littéraire mondiale et entame une carrière prolifique. Romancier, dramaturge, poète, essayiste : son œuvre demeure l’une des plus riches de la littérature japonaise et mondiale et ne cesse de fasciner.

japon portrait yukio mishima
Portrait de Yukio Mishima © Wikimedia Commons

Génie excentrique

Auteur complexe, Mishima s’est illustré au-delà de ses lettres par son caractère quelque peu excentrique et son goût du spectacle. Tout en contradiction, Mishima est d’abord fasciné par l’Occident, sa culture, son mode de vie avant de les rejeter et ne jurer que par le nationalisme. Il dévoile son homosexualité dans ses premières œuvres, mais la combat dans sa vie. Obsédé par son corps, qu’il sculpte comme un athlète de haut niveau, il se veut l’héritier des samouraïs et le défenseur du Japon le plus traditionnel mais avait échappé à la conscription prétextant une tuberculose… On le disait énigmatique, fantasque, et peut-être un peu fou ? La folie des grandeurs de l’auteur s’illustra jusque dans sa mort. Le 25 novembre 1970, alors qu’il vient d’achever son œuvre majeure, la tétralogie La Mer de la fertilité, Yukio Mishima rend son manuscrit à son éditeur, se rend au ministère des Armées, prend en otage un commandant-général avant de tenir un discours en faveur de l’empereur puis… se donne la mort par seppuku, selon le rituel des anciens samouraïs.

La beauté mise à mort

Publié en 1956, Le Pavillon d’Or est le cinquième roman de l’auteur, et sans aucun doute l’un de ses meilleurs crus. S’emparant d’un fait divers, l’incendie du temple Kinkaku-ji en 1950 par un jeune moine, Mishima imagine la vie d’un jeune novice sous les traits de Mizoguchi, jeune homme chétif, bègue et solitaire qui, poussé par ses parents à la carrière de moine, intègre le monastère du fameux pavillon d’Or. Bientôt, pourtant, il devient bientôt obsédé par la beauté du temple à la robe dorée. Entre des amitiés ratées et un amour manqué, il l’adule, puis le déteste. Veut en devenir le maître, puis fuir les lieux. Une escalade dans la folie qui entraîne le jeune homme jusqu’à commettre l’irréparable : la mise à feu de ce temple sacré vieux de plusieurs siècles…

Un roman philosophique

Roman tout autant esthétique que violent, Le Pavillon d’Or, écrit à la première personne, rend compte des propres obsessions de l’auteur. La beauté et la pureté s’y mêle à la perversité et la destruction, dans un style d’une grande élégance. Plus que le récit d’un fait historique, il invite à la réflexion : qu’est-ce qui est beau ? Qu’est-ce qui ne l’est pas ? À quoi sert la beauté ? Pourquoi Mizoguchi brûle-t-il le temple ?

« Bien souvent, sur des photographies, sur des livres de classe, j’avais vu le vrai pavillon d’Or. Pourtant, c’est l’image du temple d’Or des récits de mon père qui, dans mon cœur, avait supplanté toute autre. Mon père, sans doute, ne m’avait jamais dit, du vrai pavillon d’Or, que, par exemple, il étincelât de mille dorures. Mais, à l’entendre, il n’existait nulle chose au monde qui l’égalât en beauté ; et le pavillon d’Or qui se dessinait dans ma pensée à la seule vue des lettres, à la seule résonance du mot, avait quelque chose de fabuleux. »

Pour aller plus loin :

“La Compagnie des auteurs” sur France Culture, 4 épisodes pour mieux appréhender la vie et l’œuvre de l’auteur : https://www.franceculture.fr/emissions/la-compagnie-des-auteurs/yukio-mishima

Également, toujours sur France Culture, “Une vie, une œuvre” consacrait en 1990 un épisode à Mishima : https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/une-vie-une-oeuvre-yukio-mishima-1ere-diffusion-15111990

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Au cours d’un périple, d’une balade ou d’une croisière, les pays d’Asie se dévoilent avec toute la simplicité qui les caractérise, entraînant les curieux à rencontrer des peuples lacustres, à visiter des monastères suspendus et à assister à de mémorables fêtes traditionnelles.