Rép. Tchèque

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Rép. Tchèque
Les cafés historiques de Prague

Par Flavie Thouvenin

Article originellement publié dans le Arts et Vie Plus – Été 2020

À guère plus d’une heure de vol de nos contrées hexagonales, il est une cité aux mille tours et aux mille clochers qui ne cesse d’enchanter le voyageur. Que l’on soit féru d’architecture, de sites historiques et culturels, mélomane ou bien plutôt flâneur, Prague ravit tous les touristes, européens comme internationaux, par son décor de conte de fées et son atmosphère unique.

Depuis la place de la Vieille-Ville où se dressent les tours de Notre-Dame-du-Tyn et leurs flèches acérées, jusqu’au château qui toise fièrement la ville du haut de sa colline, en passant par l’effervescence de la ville nouvelle, la liste des visites à ne pas manquer s’allonge inexorablement. Et entre deux découvertes, pour une halte bien méritée afin de recharger ses batteries, les banquettes des cafés historiques de la capitale vous attendent. Autrefois lieux de rendez-vous de l’intelligentsia, ils conservent aujourd’hui dans leur écrin feutré l’âme de la Belle Époque et des plus grands moments de l’histoire du pays.

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Au temps des avant-gardes

Aujourd’hui capitale de la République tchèque indépendante depuis 1993, l’histoire de Prague fut pour le moins mouvementée. La ville prit son essor au cours du XIVe siècle, jusqu’à devenir deux siècles plus tard le centre de la vie politique, économique et culturelle de l’Europe centrale, dominant ainsi tour à tour le royaume de Bohême, le Saint Empire romain germanique puis la Tchécoslovaquie, proclamée en 1918.

C’est à la faveur de ce renouveau politique amorcé à la fin du XIXe siècle que Prague jouit d’un vaste plan de développement urbain : la cité s’étend, se modernise et cette période de paix et de prospérité économique est favorable à un bouillonnement intellectuel et artistique sans précédent. Bientôt, architectes, décorateurs, artistes et artisans en tout genre font de la belle tchécoslovaque un formidable terrain de jeu. C’est la grande époque des avant-gardes européennes, en peinture comme en architecture, et il n’est guère étonnant que Prague figure parmi les villes d’Europe au plus grand nombre de réalisations Art nouveau !

Ainsi, à l’aube du XXe siècle, dans le quartier de Nove Mesto (Nouvelle Ville) aux larges avenues, autour de l’imposante place Venceslas, les immeubles aux façades élégantes poussent comme des champignons, les passages couverts au décor fastueux se multiplient et les cafés ouvrent tour à tour. Inspirés de la Sécession viennoise et du style dit « grand café » d’Europe centrale, ces établissements modernes d’un nouveau genre, à la décoration extrêmement soignée et au service attentif, deviennent des lieux de rencontre privilégié pour l’intelligentsia de la ville.

La belle époque de Prague

Écrivains en vogue ou en devenir, artistes, universitaires, scientifiques, journalistes, hommes politiques : tout le monde se retrouve aux cafés Slavia, Louvre ou Impérial… Chacun y a ses habitudes, avec ses préférences pour tel ou tel établissement, et des cercles littéraires, philosophiques et artistiques s’y forment. On y vient pour discuter, échanger, s’informer en lisant les nombreux titres de presse locaux ou étrangers mis à disposition ; débattre et confronter ses opinions avec tel philosophe allemand ou tel intellectuel juif ; écrire ou déclamer ses derniers vers, faire une partie de cartes ou jouer au billard… le tout dans une ambiance enfumée qui fleurait bon le café et les effluves d’absinthe, avec un air de jazz dans les oreilles !

Bien au-delà du simple lieu de sociabilité, les cafés jouent un rôle essentiel dans le monde intellectuel, artistique et culturel et favorisent les relations entre ses différents acteurs et les diverses communautés de la ville, alors principalement tchèque, allemande et juive. Et la petite histoire y rencontre la Grande Histoire…

Des succursales de la révolution au renouveau touristique

Quelques décennies plus tard, sous l’ère communiste, la Belle Époque révolue, l’ambiance n’est plus à la fête. Certains cafés font grise mine, d’autres ferment, mais quelques institutions font de la résistance… Dans l’atmosphère contestataire des années 60 puis 80, face à l’occupant soviétique, ils deviennent de véritables QG pour les opposants au pouvoir en place. Et alors que la colère gronde, quelques dissidents fomentent la rébellion depuis les salles des cafés Slavia et Savoy.

La décennie qui suit voit la ville se relever petit à petit après les années moroses du communisme, mais il faudra attendre les années 2000 pour qu’une vague de rénovations coïncidant avec l’explosion du tourisme dans la Ville dorée réhabilite enfin bon nombre de ces établissements afin de leur rendre leur lustre d’autrefois. De nos jours, les touristes côtoient les locaux à la table de ces institutions de la vie pragoise, témoins d’un temps révolu, où les fantômes du passé hantent toujours les lieux…

Tour d’horizon des cafés à ne pas manquer

Le Café Slavia

Ouvert en 1884, le Café Slavia est une institution des cafés pragois, dans le plus pur style Art déco. D’abord fréquenté par les mélomanes et les cercles littéraires de la ville du fait de sa proximité immédiate avec le Théâtre national, première scène du pays en matière de ballets, théâtres et opéras (on dit ainsi que les compositeurs Smetana et Dvorak y avaient leurs habitudes), il devient bientôt lieu de rassemblement des acteurs du mouvement nationaliste tchèque et panslaviste, d’où son nom ! Nationalisé en 1948 sous le régime communiste, c’est alors le QG de l’intelligentsia dissidente qui s’y retrouve pour fomenter la résistance : rien de moins que Vaclac Havel y a usé ses banquettes !

Fermé de nombreuses années suite à la révolution de Velours de 1989, il ne rouvrira ses portes qu’en 1997, rénové de la tête au pied afin de restituer toute sa splendeur d’antan : boiseries et miroirs ornent les murs, les petites tables rondes en marbre typiques accueillent les clients toujours aussi nombreux, qu’ils s’agissent de touristes de passage ou d’habitués du quartier. Petite particularité : le tableau montrant un buveur d’absinthe qui trône au fond de la salle remplace aujourd’hui la représentation de la mère des Slaves, aujourd’hui conservé à la Galerie municipale.

Le Café Louvre

À quelques encablures du Café Slavia, au 2e étage d’un immeuble de l’imposante avenue Narodni du côté de la « ville nouvelle » de Nove Mesto, le Café Louvre officie depuis 1902. Dans ce quartier qui depuis le début du siècle compte nombre de galeries, théâtres, salles de concert et clubs de jazz, il fut très fréquenté à la Belle Époque par les cercles intellectuels et littéraires tchèques et allemands. Max Brod et Franz Kafka, encore étudiants, s’y attablaient quotidiennement pour s’entretenir de leurs dernières ébauches et disserter sur la littérature de l’époque, quand Einstein venait y discuter des dernières avancées de la science à l’occasion de son séjour à l’université allemande de Prague en 1911-1912…

Il faut dire que le fait qu’il soit entièrement électrifié (une première pour ce type d’établissement dans la ville), disposant de multiples salles pouvant accueillir près 800 clients (il fut un temps le plus grand café de tout l’empire austro-hongrois !) et d’une partie accessible même aux femmes (dont la fréquentation des cafés était jusqu’alors interdite… sic), faisait des lieux un modèle du progrès et de la modernité.

Le Café Impérial

Situé un peu plus à l’écart du centre historique privilégié des touristes, le Café Impérial vaut le détour sans hésitation aucune ! Ouvert en 1914, sa flamboyante décoration intérieure, faite de carreaux de céramiques d’inspiration orientale – fleurs, arabesques, animaux et scène mauresques – recouvrant ses murs et ses colonnes et son parquet en bois lustré en font l’un des plus beaux cafés de la ville.  Ici aussi, le tout Prague se retrouvait et l’on dit que Kafka, Leos Janacek – l’un des plus brillants compositeurs du pays – ou Tomas Garrigue Masaryk – rien de moins que le premier président de l’ancienne république tchécoslovaque – y avaient leur table. Aujourd’hui, l’ambiance y est un brin plus chic et la cuisine, tenu par un chef réputé, est dite raffinée.

Le Café Savoy

De l’autre côté de la Vltava, dans le quartier de Mala Strana, le Café Savoy régale depuis 1893. À l’intérieur, le visiteur ne sait plus où donner de la tête : l’œil s’attarde tantôt sur les boiseries et les dorures rutilantes au style Art déco qui ornent les murs, tantôt sur les fresques néo-Renaissance du plafond qui trônent à 7 m au-dessus de nos têtes, tantôt sur les vitrines du comptoir rempli de pâtisseries toutes plus alléchantes les unes que les autres… Lieu de rencontres populaires, il fut tout comme ses concurrents très fréquenté à la Belle Époque ainsi que dans les années suivants la révolution de Velours. Ici aussi, on y vient autant pour se sustenter que pour sentir entre ses murs l’ambiance d’un passé révolu.

Le Café Grand Orient

Logé au 1er étage de la maison à la Vierge Noire, bâtiment cubiste situé dans la Vieille-Ville et pensé par l’architecte Josef Gocar, le décor du Café Grand Orient diffère des autres cafés historiques pragois et mérite le détour… Il s’agit en effet de l’unique café de style cubiste au monde ! Ici, du sol au plafond, des chaises jusqu’aux lustres, des tables jusqu’aux porte-manteaux, tout est cubiste !

Ce n’est guère une surprise lorsque l’on sait que Prague est la seule ville où le cubisme s’est invité dans l’architecture, et jusque dans le mobilier et l’aménagement intérieur. Inauguré en 1912, ce café aura pourtant eu une courte existence : déjà jugé démodé, il ferme dans les années 20… pour rouvrir plus de 80 ans plus tard ! Rénové à partir de photos d’époque, il restitue à la perfection les lignes si caractéristiques du cubisme dans un surprenant souci du détail. Une curiosité à ne pas manquer lors de votre prochain séjour !

Le Café de la Maison municipale

À quelques minutes de la maison à la Vierge noire se tient une autre institution. Le café de la Maison municipale conserve encore de nos jours le cachet des cafés typiques des années 1900 et leur indémodable élégance Art nouveau : ici aussi on admire les enfilades de marbres et de chrome, les lustres suspendus et l’impressionnante hauteur sous plafond. Situé sur la place de la République, à quelques mètres de la tour Poudrière et au rez-de-chaussée de la Maison municipale, centre de la vie culturelle pragoise et tchèque à son ouverture en 1912, il sera le lieu de rencontre privilégié des artistes et musiciens qui se produisaient dans la salle voisine, où bals et concerts se succédaient dans les années 20 et 30.

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Faire un voyage culturel en République Tchèque, c’est pénétrer au cœur de la MittelEuropa. Entre la Pologne, l’Allemagne, l’Autriche et la Slovaquie, l’ancien royaume de Bohême et de Moravie rattaché au Saint-Empire romain germanique fut, pendant plus de mille ans, un haut lieu de culture qui influença durablement l’Europe centrale : des chefs-d’œuvre du gothique aux bâtiments novateurs inspirés par le fonctionnalisme. C’est grâce à ce terreau culturel particulièrement fertile que le pays donna au monde un nombre exceptionnel de personnalités éminentes et d’artistes d’exception, tels Jan Hus, Tyco Brahe, Dvořák, Janáček, Mucha, Kafka ou encore Adolf Loos.

Faire un voyage culturel en République tchèque, c’est avant tout découvrir Prague, la ville d’or aux mille tours et clochers qui se développa sur les rives de la Moldau. Classé au Patrimoine Mondial de l’Unesco, le centre historique de Prague représente une manifestation exceptionnelle de l’urbanisme médiéval. Nové Mesto, la Nouvelle Ville, fut construite par l’empereur Charles IV comme une cité idéale, une Jérusalem Nouvelle, avec de grands axes menant rationnellement aux places et marchés. Préservé de tout renouvellement urbain de grande ampleur ou de toute démolition massive, le centre de Prague a conservé sa configuration et sa composition spatiale d’ensemble. Ici et là, vous découvrirez une Prague romane, gothique, renaissante et baroque, mais aussi une ville, qui, à partir de 1900, devint le centre du modernisme et influença considérablement le développement de l’architecture d’Europe centrale. La ville est riche en monuments remarquables qui témoignent de toutes les périodes de son histoire : rotonde romane Sainte-Croix, synagogue Vieille-Nouvelle du quartier juif de Josefov, église gothique Notre-Dame du Týn abritant le tombeau de l’astronome danois Tycho Brahe, château de Prague, cathédrale Saint-Guy, place Hradčany, palais Wallenstein, pont Charles, église baroque Saint-Nicolas de Mala Strana, bâtiments Art Nouveau et immeubles modernistes. Construit au XIVe siècle, le pont Charles qui relie la Vieille Ville au quartier de Malá Strana offre à la ville l’une ses plus belles perspectives. Entre 1683 et 1714, prenant pour modèle le pont Saint-Ange de Rome, les Jésuites firent surmonter chaque pilier d’une statue ou d’un groupe sculptural évoquant l’histoire religieuse de la ville. Dans l’église baroque Saint-Nicolas de Mala Strana, vous admirerez comment l’architecte Christoph Dientzenhofer fait jouer les ombres et les lumières, les saillies, les glissements diagonaux, les plans sécants, afin de créer des articulations souples et des passages indéfinis de formes.

Prague fut aussi, à la fin du XIXe siècle, l’une des capitales européennes de l’Art Nouveau. Vous retrouverez le colorisme et les formes ondoyantes issues du monde végétal à la gare centrale, à l’hôtel Evropa ou encore à la Maison municipale et au Théâtre national décorés par Alfons Mucha. Le célèbre artiste fit se répondre les lignes de la fleur et les courbes de la femme dans des images au graphisme fort (affiches de Sarah Bernhardt, publicités pour le papier Job). Son œuvre foisonnante et diverse – tableaux, vitraux, décors, objets d’art et affiches – est réunie au musée Mucha de la rue Panská. Toujours à l’avant-garde des évolutions, Prague fut aussi, au sortir de la Première guerre mondiale, le fer-de-lance du fonctionnalisme, avec Adolf Loos, Karel Lhota ou encore Mies van der Rohe. Un voyage culturel vous fera découvrir la villa Müller due à Adolf Loos et Karel Lhota. Loos y appliqua ses théories fonctionnalistes du « raumplan », à travers le choix de volumes réguliers et compacts aux configurations géométriques élémentaires, l’addition ou la soustraction des volumes subordonnée à l’organisation intérieure des espaces et l’adoption d’un langage architectural réduit à l’essentiel basé sur des murs crépis, lisses et sans ornements.

À Zlin, vous visiterez la cité ouvrière-modèle conçue à la demande du fabricant de chaussures Tomas Bat’a dont Le Corbusier reconnaîtra l’importance. À Brno, vous admirerez la ville Jugentadt due à Mies van des Rohe et classée au patrimoine mondial de l’Unesco. L’architecte allemand y développe sa conception du plan libre, dans laquelle les espaces fonctionnels sont définis sans être cloisonnés, et y affirme une esthétique rationnelle mise au service d’une sobre et somptueuse élégance. Là, la structure en acier, le sol en travertin, les parois d’onyx, les cloisons d’ébène et de bois de rose, tout permet de distribuer plus librement les espaces et d’ouvrir l’intérieur sur l’extérieur.

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